Bezaubernd
Elle s'est occupée d'elle toute la journée. Épilée, coiffée, maquillée, massée. Elle a croisé son regard dans le miroir, s'est arrêtée pour remettre en place une mèche. Parfaite. Elle a sourit au visage dans le miroir. Le sien. Pâle, encadré de lourdes et aériennes boucles brunes. Bien sûr qu'elle a peur. Parce qu'aujourd'hui encore elle s'est réveillée seule, dans son appartement blanc, dans son lit immense vide de présence humaine. Mais peu lui importe ce soir elle sort. Son immense dogue s'endort au coin de ses valises. Elle part ce soir. Malgré la plaie béante que l'ancien locataire a laissé en son cœur elle ouvre la boîte pourpre qui renferme ces chaussures. Ces fameuses et magnifiques escarpins. Pour toi mon amour est encore gravé sous la semelle droite. Mais peu lui importe ce soir elle part. Sa main effleure la lourde tête grise de son chien. Tendrement son regard se perd sur sa main où ne brille plus le bracelet argent orné d'un nœud émeraude. Tendrement elle détourne son regard vers la fenêtre où le soleil n'est plus que cet astre imposant apportant la même lumière à tous. Tristement elle baisse ses paupières et arrête de sombres pensées qui la portent vers tout ce qui fut, aurait pu être, ne sera plus jamais. Elle finit par relever la tête, basculer ses mèches brunes, fait teinter l'or blanc de ses longs pendant d'oreilles. Lisse du plat de la main sa robe prune. Elle sourit. Elle a sourit parce que son chien a lentement relevé la tête et a soupiré. Elle a sourit pour les photos de ses amis qui ont remplacés ses photos d'eux. Elle a sourit quand son regard a rencontré la porte d'entrée, parce que plus jamais il ne la passera. Mais peut lui importe ce soir elle part. Ce soir elle va voir d'autres horizons. Non elle ne fuit pas elle apprend autrement. Et ce soir, et cela elle ne le sait pas, quand son appartement vide balayera les restes de lui elle sourira. Et plus tard quand une autre main trouvera le chemin elle sourira. Mais cela, tout cela elle ne le sait pas. Ce soir elle part.